by Franco Bruni
supervisors Prof. Louis Jambou, Abraham Borg
score: mention très honorable et felicitation du jury
Resumé (French)
Introduction
Les collections musicales et la documentation d’archives conservées
près du Musée de la Cathédrale de Mdina à Malte
ont constitué le sujet de cette étude concernant l’histoire
de la chapelle de la Cathédrale de Malte à partir de sa constitution
jusqu’au 18ème siècle. Malgré la richesse de ces archives
qui comprennent de nombreux exemplaires uniques italiens, tant imprimés
que manuscrits, ce fond n’a pas reçu jusqu’aujourd’hui l’attention
qu’il mérite. Le but principal de ce travail a été
donc la reconstruction de la vie de cette institution musicale, ses protagonistes,
son répertoire et ses cérémonials.
La recherche basée sur la lecture de la documentation d’archives
à partir du 16ème siècle jusqu’au 18ème a été
menée principalement sur les comptes rendus des chapitres et sur
les mandats de payement. En outre, plusieurs sources documentaires constituées
par des chroniques, des reportages, des cérémonials ont été
examinées afin d’amplifier les connaissances sur les activités
de la chapelle musicale surtout en ce qui concerne les rapports entre liturgie
et musique.
Le XVIème et XVIIème siècle
Avant la constitution de la chapelle, on rencontre quelques témoignages
de pratique musicale à partir du 15ème siècle concernant
l’activité tant des organistes que des organiers et aussi des maîtres
de chant. Au 15ème comme au 16ème siècle on se réfère
aux maîtres de chant sans spécifier s’il s’agit du chant figuré
ou de plain-chant. De toute façon le manque de toute source polyphonique
et l’emploi du terme chant “fermo” à partir du 16ème siècle
laisse des gros doutes sur l’éventuelle présence d’une pratique
polyphonique. Il faut attendre 1573 lorsqu’on décida d’employer le
maître italien Giulio Scala (à cette époque actif en Sicile)
pour l’enseignement du chant figuré. On arriva à cette décision
aussi grâce à l’influence constituée par la présence
de l’Ordre des chevaliers de Saint Jean, établi sur l’île depuis
1529. On a vérifié que des cérémonials comprenant
des activités musicales avec voix et instruments étaient déjà
pratiqués par l’Ordre à partir de 1530. Ces pratiques probablement
influencèrent le choix du Chapitre d’introduire aussi le chant figuré
à la cathédrale.
Après 1573, la visite du délégué apostolique
Pietro Dusina en 1574 et, plus tard, la visite pastorale de l’évêque
Baldassarre Cagliares en 1619 ouvrirent la voie à la constitution
d’une chapelle musicale. En 1619 l’évêque obtint l’autorisation
de la Sainte Congrégation de Rites de Rome de dépenser 1000
écus par an pour les activités musicales. Cet événement
fut décisif pour la stabilisation d’une chapelle musicale. La date
de la fondation de la chapelle peut sembler assez tardive mais il faut considérer
que plusieurs chapelles liées aux cathédrales des villes siciliennes
furent aussi fondées tardivement entre le dernier quart du 16ème
et le début du siècle suivant.
À partir de 1624 les documents administratifs commencent à
enregistrer la présence d’un maître, d’un organiste et de 8
autres salariés dont la qualification n’est presque jamais spécifiée.
À travers des supplications jointes aux comptes rendus des chapitres
il est, quand même, possible d’établir la présence d’instrumentistes
de cornet, trombone, rebec, basse de viole et violon. La combinaison de ces
instruments avec les voix était en outre très commune à
l’époque. En comparant cet ensemble avec les ensembles employés
dans les chapelles musicales actives en Sicile au 17ème siècle
(i.e. Caltagirone, Piazza Armerina, Catania, Messina), il est évident
qu’une forte similitude existe entre l’ensemble maltais et ceux de Sicile.
Ce fait témoigne d’une proximité culturelle entre Malte et la
Sicile grâce aussi aux nombreux liens culturels et économiques
entretenus entre les deux îles.
La présence au 17ème siècle d’organiers, de maîtres
et de musiciens siciliens dont quelques unes de leurs oeuvres sont conservées
uniquement à Malte caractérise profondément la
vie musicale du siècle. Les représentants de l’”école
polyphonique sicilienne comme don Andrea Rinaldi, actif à Palerme
puis à la cathédrale de Malte et par la suite à Caltagirone
(Sicile) représentent un cas emblématique. Pendant le 17ème
siècle il y eut des rapport privilégiés entre la chapelle
maltaise et celle du dôme de Caltagirone (Val di Noto, Sicile) avec
un fréquent échange de maîtres et de musiciens.
Dès premières années l’activité de la chapelle
est attestée. Les premières exécutions polychorales
datent de 1622 lorsque le maître Francesco Fontana dirigea des pièces
pour trois choeurs à l’occasion de la fête patronale des Saints
Apôtres (29 juin). La présence de Fontana est aussi liée
à l’achat d’instruments à archet de Venise qui s’ajoutent
à l’ensemble de la chapelle.
Au 17ème siècle si la musique polychorale était particulièrement
associée aux occasions solennelles, la pratique quotidienne était
au contraire caractérisée par l’emploi des voix accompagnées
à l’orgue. La présence d’instruments concertants, principalement
des violons, avec les voix caractérisait surtout la liturgie des vêpres.
La présence de motets et psaumes en style “concertato” pour petit ensemble
et instruments est assez bien documentée dans les archives musicales.
La plupart des musiques du 17ème siècle qui nous sont parvenues
reflètent profondément la pluralité des styles qui caractérisent
cette époque. Ces musiques sont de provenance sicilienne, romaine et
vénitienne. Plus de deux cents manuscrits anonymes conservés
sont assimilables aux tendances stylistiques typiques de l’époque.
La collection des imprimés - tous datés au 17ème siècle,
à part les “Messe d’intavolatura” par Claudio Merulo (1569) -
confirme aussi cette préférence pour le répertoire romain,
vénitien et sicilien. Concernant le sources vénitiennes, il
faut aussi noter la présence de plusieurs recueils de Claudio Monterverdi
(“Selva Morale et Spirituale”, “Messa et Salmi”); un manuscrit du même
auteur contenant le contrafactum spirituel du madrigal “Belle chiome porporine”
du 7ème livre de madrigaux y figure également.
Le XVIIIème siècle
La destruction de la cathédrale causée par le tremblement
de terre de 1693 représenta l’événement naturel qui
divise en deux phases l’histoire de la chapelle musicale. Une des conséquences
fut l’interruption des activités liturgiques et successivement le
déplacement de celles-ci dans les autres églises de la ville
de Mdina. La documentation concernant ces années, bien qu’elle soit
pleine de lacunes, témoigne d’une activité musicale dans le
monastère de S. Pierre à Mdina.
La pratique musicale pendant la période qui suit immédiatement
le tremblement fut probablement limitée, peut être arrêtée.
A cause de plusieurs problèmes économiques, le Chapitre décida
aussi de réduire l’ensemble à un seul choeur vocal. En licenciant
trois voix et la basse de viole, la présence fut limitée de
12 à 9 salariés.
Avec la fin des travaux de reconstruction de la nouvelle cathédrale
baroque par Lorenzo Gafà, en 1703, la chapelle musicale reprendra
ses activités normales. La création d’un nouvel espace sonore
ne fut pas sans conséquences pour la réorganisation des activités
musicales. Pendant ce siècle on assiste à la graduelle introduction
des instruments à vent (hautbois, trompettes, cors de chasse) en
conformité avec les nouvelles tendances musicales européennes.
L’ensemble totalise bientôt les 13 salariés.
Si le siècle précédent avait été caractérisé
par une forte présence de maîtres et instrumentistes siciliens,
durant le 18ème ce furent presque exclusivement des maltais qui dirigèrent
la chapelle. Il n’était pas rare de trouver des cas comme ceux des
maîtres Pietro Gristi, Benigno Zerafa et Francesco Azopardi qui étaient
sponsorisés par la cathédrale afin de compléter leurs
études musicales dans les conservatoires napolitains.
Les années 1744-1780, caractérisées par la présence
de don Benigno Zerafa à la direction de la chapelle furent particulièrement
importantes pour son développement musical. Vers 1755, sous sa suggestion,
le Chapitre autorisa l’achat de deux cors de chasse en Allemagne et de deux
hautbois à Naples afin de réaliser “un parfait choeur de musique”.
Cinq ans plus tard, en 1760, les chanoines de la Cathédrale décidèrent
de réorganiser les activités de la chapelle. Le manque jusqu’à
cette date-là d’un “plan de musique” spécifique sur les interventions
de la chapelle pendant l’année liturgique avait été en
fait une des causes principales de gaspillage économique, surtout à
l’occasion des services de renforts musicaux pour les fêtes solennelles.
Le nouveau “plan”, confié à deux députés fut
approuvé par le Chapitre sans réserves. La nouveauté
principale de ce plan fut la création de deux chapelles: une chapelle
“ordinaire” employée quotidiennement et composée du maître,
de l’organiste, de deux basses, d’un soprano supplémentaire, de deux
ténors secondaires, de deux voix d’enfant et enfin une chapelle “extraordinaire”
qui se joignait à la première pendant les fêtes solennelles
et les dimanches, composée d’un castrat napolitain, du premier ténor,
de deux violons, d’un violoncelle, d’une contrebasse, de deux cors de chasse,
de deux hautbois et d’un violoniste. Dans le plan on établit
les principaux devoirs des salariés de la chapelle à travers
lesquels il est possible de comprendre exactement la typologie de l’ensemble
choisi pendant les différents moments liturgiques.
Avec l’approbation de ce plan la chapelle vit augmenter rapidement le nombre
de ses salariés jusqu’à 18 musiciens. Dans la seconde moitié
du 18ème siècle, la chapelle, grâce au nouvel ensemble
et à la présence de deux maîtres Benigno Zerafa et Francesco
Azopardi atteint son “âge d’or”, attesté par la riche collection
de partitions autographes des mêmes compositeurs.
A la fin du siècle, en 1798, l’occupation de l’île par les
troupes françaises, l’expulsion de l’Ordre de S. Jean, l’imposition
de nouvelles mesures de gouvernement et d’administration, particulièrement
négatives pour l’église, créèrent plusieurs problèmes
à la Cathédrale. L’épisode le plus choquant au sujet
de la Cathédrale fut sûrement son union administrative avec l’église
de Saint Jean (alias église conventuelle de l’Ordre). En conséquence,
le Chapitre fut chargé par l’évêque de la réorganisation
générale des activités liturgiques et musicales. Ce
fut seulement pendant les années ’20 du 19ème siècle
qu’on créa enfin une chapelle musicale séparée pour
S. Jean, dirigée, quand même, par le même maître
de chapelle de la cathédrale.
Au 18ème siècle, les contacts avec l’ambiance napolitaine
furent fondamentaux pour le développement musical de la chapelle.
A cette époque Naples était devenue le référent
idéal pour le recrutement aussi bien des solistes castrats que des
organiers pour la construction des orgues de la Cathédrale de
Malte. La présence de solistes se reflète bien dans le choix
stylistique des compositeurs qui furent en contact direct avec Naples. L’introduction
des instruments à vent et la disponibilité d’un ensemble vocal
plus vaste favorisa en fait la création de grandes oeuvres vocales-instrumentales
avec l’épuisement à coté du double choeur des chanteurs
et instruments solistes.
Le répertoire musical
La comparaison entre le répertoire de la chapelle, la liturgie et
les cérémonials célébrés à la cathédrale
permet de vérifier d’autres parallélismes avec la scène
musicale italienne. Au 17ème siècle la présence de plusieurs
styles musicaux reflète sûrement une époque caractérisée
par l’expérimentation de nouvelles formes d’expression. La documentation
disponible et les sources musicales parvenues nous indiquent la destination
liturgique de ces musiques. Le moyen polychoral était généralement
employé pour les fêtes solennelles, surtout celles de Saint Paul
tandis que le style “concertato” pour petit ensemble était privilégié
pendant la liturgie des vêpres. Le style “a cappella” est peu représenté
pendant le 17ème siècle; son emploi regardait principalement
les périodes liturgiques qui ne permettaient pas la présence
d’instruments comme le troisième dimanche d’Avent et la semaine sainte.
Au 18ème siècle le développement progressif de la chapelle
et l’emploi constant des instruments à vent et de solistes castrats
caractérisent le nouveau répertoire. Dans les compositions
de Zerafa et Azopardi, les deux maîtres les plus significatifs du siècle,
le langage théâtrale est évidente, appris pendant leur
séjour napolitain. Leur musiques, qui reflètent bien la mutation
des goûts musicaux prévoient des grands ensembles instrumentaux.
Liturgie et cérémonial
La messe et les vêpres sont les moments liturgiques auxquels on donne
le plus d’importance du point de vue musical tandis que les musiques pour
voix et accompagnement d’orgue étaient préférées
pour les parties du Proprium de la messe.
La documentation concernant la description des cérémonials
est particulièrement riche pour le 18ème siècle. Les
cérémonies pour la “possession” de Mdina par l’Evêque
où le Grand Maître (chef de l’Ordre de S. Jean) étaient
organisées selon des modèles bien connus dans le monde catholique.
Cette possession, par exemple, suivait celle organisée à Rome
pour la prise de possession de la ville par le Pape. Processions solennelles,
construction d’arcs de triomphe éphémères, le chant
du “Te Deum” par les musiciens de la chapelle accompagnaient toujours ce
type de cérémonies. Les élections de nouveaux papes
et rois, les événements politiques importants représentaient,
un prétexte pour des célébrations en grande pompe avec
l’intervention d’une musique composée pour l’occasion. D’habitude
la chapelle musicale, durant ces occasions solennelles, était renforcée
par des instrumentistes et chanteurs externes, appartenant aux autres institutions
musicales de l’île. Dans ces cas-là ce fut avec la chapelle
musicale de l’Ordre de S. Jean à la Valette que la Cathédrale
eut des fréquents échanges de musiciens comme le prouvent de
nombreux mandats de payement pour ces fêtes solennelles.
Conclusion
En guise de conclusion, il faut donc remarquer l’importance constituée
par l’influence culturelle européenne, en particulier italienne,
grâce aussi à l’Ordre de S. Jean dont la présence sur
l’île représenta sans doute la prémisse nécessaire
pour le développement musical à Malte. La graduelle organisation
de la chapelle musicale amena la création d’un répertoire et
des activités musicales qui trouvent de fortes similitudes avec les
régions méditerranéennes, en particulier la Sicile avec
laquelle la Cathédrale de Malte entretint des relations tout à
fait privilégiées. C’est dans cette perspective culturelle
qu’il faut enfin considérer l’histoire musicale maltaise afin de lui
donner une correcte évaluation historique.
Abstracts (French/English)
Cette étude concerne l’histoire de la chapelle de la Cathédrale
de Malte à partir de sa constitution au début du 17ème
siècle, jusqu’au 18ème siècle. Bien que le chant figuré
ait été introduit en 1573 avec le maître italien Giulio
Scala, c’est seulement vers le début des années ‘20 du 17ème
siècle, après la visite pastorale de l’évêque
Baldassarre Cagliares, qu’on décida d’établir la somme de 1000
écus par an pour la constitution d’une chapelle musicale. Déjà
à partir des premières années, les activités
de la chapelle sont bien attestées: de la musique pour trois choeurs
à la pratique quotidienne caractérisée par l’emploi
des voix accompagnées à l’orgue. Le 17ème siècle
se caractérise aussi par la forte présence d’organiers, maîtres
et musiciens siciliens dont quelques unes de leurs oeuvres sont conservées
uniquement à Malte. La comparaison entre la chapelle maltaise et les
villes les plus importantes de la Sicile montre en outre plusieurs similitudes,
étant donné le même substrat culturel.
La destruction de la cathédrale causée par le tremblement
de terre de 1693 provoqua la réduction de l’ensemble à un seul
choeur vocal. Avec la reconstruction de la cathédrale en 1702, la chapelle
reprendra ses activités normales. Graduellement on introduisit les
instruments à vent (hautbois, trompettes, cors de chasse) en conformité
avec les nouvelles tendances musicales européennes. Si le siècle
précédent était caractérisé par la présences
de siciliens, pendant le 18ème sont des maltais à la direction
de la chapelle. Ces maîtres étaient généralement
sponsorisés par la cathédrale pour compléter leurs études
musicales dans les conservatoires de Naples. Les contacts avec l’ambiance
napolitaine furent fondamentaux pour le développement musical de la
chapelle. Au 18ème siècle Naples représentait le référent
idéal pour le recrutement aussi bien des solistes castrats que des
organiers pour les orgues de la cathédrale de Malte